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VERS LA MONTAGNE DE L'ÂME

Concert live recording

Concerto pour pipa et orchestre par Hugues Leclair


Cette œuvre d'une vingtaine de minutes pour pipa (luth chinois piriforme), clavier numérique et orchestre symphonique m'a été commandée par la virtuose de cet instrument, Liu Fang. La pièce s'articule en quatre tableaux respectivement inspirés de quatre chapitres tirés du livre de Gao Xingjian, La Montagne de l'Âme (Prix Nobel de littérature 2000) ; dans ce remarquable roman, une quête de Chines anciennes se déploie sous nos yeux en un kaléidoscope d'images, de sonorités, de sensations physiques, psychiques et spirituelles…
La lecture de ce chef-d'œuvre m'a immédiatement interpellé en vue de la composition d'une œuvre concertante pour le pipa. La présence d'un clavier numérique connecté à un ordinateur portable n'est pas anodine dans ce contexte, car le livre de Gao Xingjian se déploie selon un axe essentiel qui est celui de la dialectique tradition(s) / modernité(s), reflétée ici musicalement par le contraste entre le luth chinois et l'instrument électronique.
Selon un procédé analogue à celui mis en œuvre dans les Lettres d'or, composées au regard des textes éponymes de Christian Bobin, le travail de composition puise son inspiration dans les images littéraires, sans chercher à les "mettre en musique" ni à les illustrer. L'orchestration crée bien entendu un lien clair entre texte et musique, mais la corrélation la plus directe se situe au niveau de la forme, chaque tableau symphonique étant structuré selon le découpage formel de l'extrait choisi dans le livre. Les quatre tableaux sont ainsi reliés aux chapitre suivants, avec les post-titres ci-dessous :

 

- Premier tableau chapitre 10 (enfoui dans le brouillard…)
- Deuxième tableau chapitre 39 (chants d'amour…)
- Troisième tableau chapitre 66 (rivière de l'Oubli…)
- Quatrième tableau chapitre 80 (limpidité inconnue…)

Sur le plan compositionnel, à l'instar d'une œuvre précédente pour flûtes et percussions japonaises et occidentales, Jo-Ha-Kyu, l'ajout d'un instrument oriental n'implique nullement le choix de matériel musical "éxotique" (échelles sonores, mélodies, harmonies, rythmes) Seules les couleurs du pipa apportent une touche orientale à l'œuvre, mais l'instrument est intégré à l'orchestre dans un même traitement au regard du langage musical.


Bien qu'utilisant des modes de jeu traditionnels, la partie de pipa intègre également des techniques inhabituelles à cet insrument : arco col legno (stratto et battutto), rythmes sur la caisse de résonance, écriture microtonale avec notation sur trois ou quatre portées (une par corde) Le pipa est capté par microphone, amplifié et diffusé par un haut-parleur situé immédiatement aux côtés de l'interprète.

Le clavier numérique contrôle un ordinateur utilisant un logiciel de synthèse sonore permettant la création de timbres nouveaux à partir de sources électroniques et/ou acoustiques. La plupart des sons utilisés dans l'œuvre possédent une nature évolutive dans le temps, au moyen du tracé des enveloppes temporelles assignées à divers paramètres (amplitude, fréquence, dosage des sources sonores, filtrage, traitements du signal,… ) et grâce à l'utilisation de procédés numériques. Les sons du clavier sont diffusés par un orchestre de deux haut-parleurs situés juste derrière l'orchestre symphonique, afin qu'ils se fondent dans la masse instrumentale. Le volume et la spatialisation doivent être controlés en temps réel à la console située dans la salle de concert (de même pour le volume du son amplifié du pipa) Cet élargissement de la palette sonore de l'orchestre symphonique m'intéresse au plus haut point actuellement, particulièrement au regard de la légèreté du dispositif technique requis, permettant son insertion dans le groupe instrumental en temps réel ; la création de ce soir fait suite à un essai précédent dans une pièce pour chœur et orchestre d'après un poème de Boris Vian, Le temps de vivre, avec l'OSSLSJ, sous la direction de Jacques Clément.

L'œuvre sera créée le 15 octobre 2005 à la salle Claude-Champagne de la Faculté de musique de l'Université de Montréal, avec l'orchestre de l'Université sous la direction de M. Jean-François Rivest; ce dernier est un grand interprète de ma musique orchestrale, ayant créé les trois pièces composées au regard des Lettres d'or de Christian Bobin avec l'Orchestre de l'Université puis avec l'Orchestre symphonique de Laval entre 2000 et 2003.

Vers la montagne de l'Âme est dédiée à la virtuose du pipa, Mme Liu Fang ainsi qu'à M. Gao Xingjian.

- Hugues Leclair, Montréal, août 2005

==>>> http://www.iforum.umontreal.ca/Forum/2005-2006/20051011/hugues_leclair.html

[Première mondiale: 15 octobre 2005, 20h00, Montréal]

le samedi 15 octobre 2005, à 20 h,
à la salle Claude-Champagne.
Billets : 12 $, 10 $ (aînés), gratuit (étudiants)
ADMISSION : 514-790-1245
ou à la salle Claude-Champagne
à compter de 90 minutes avant le début du concert
220, avenue Vincent-d'Indy, Montréal
(métro Édouard-Montpetit)
Renseignements : 514-343-6427

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